Joliment esquissé, ce portrait retient l’attention par l’élégance du tout jeune homme et la manière dont les tons de ses vêtements viennent rehausser les couleurs de sa carnation et de sa chevelure, dont l’indiscipline trahit la jeunesse du modèle. L’influence des portraits anglais est ici manifeste. Le choix de représenter Auguste-Richard de La Hautière devant un paysage rappelle les œuvres de Sir Joshua Reynolds (1723-1792), que Delacroix admirait.

Peint à larges touches, le ciel sur lequel se détache le jeune homme semble envahi de nuages ; comme si, malgré le maintien du jeune modèle, malgré l’éclair un peu frondeur de son œil d’adolescent, le jeune peintre avait cherché ici à saisir un peu de la mélancolie de la sortie de l’enfance.

Une commande singulière

Ce tableau fait partie de la série dite « des portraits de la pension Goubaux » commandée à Eugène Delacroix par l’un de ses anciens camarades de collège, Prosper-Parfait Goubaux (1795-1859). Ce dernier, directeur de l’institution Saint-Victor à Paris, avait demandé à son ami de peindre les portraits de ses pensionnaires lauréats du Concours général afin d’en orner le salon de son institution.

Goubaux, à la fois instituteur et auteur dramatique, considéré par ses contemporains comme l’un des précurseurs de l’enseignement moderne, avait fondé en 1820 un établissement dont le programme donnait une place nouvelle pour l’époque aux sciences et aux techniques.

Delacroix aurait réalisé les portraits de dix élèves. Cinq seulement sont actuellement localisés : Abel Widmer (1824 ; Londres, National Gallery), Désiré Pellerin, Eugène d’Ouville (1828 ; Philadelphia Museum of Art) et son frère Amédée (1830 ; Lisbonne, Fundaçào Medeiros e Almeida) Auguste-Richard de La Hautière (1828 ; Paris, musée Eugène Delacroix), Achille Schmitz, Louis Judicis de Mirandol, Auguste-Edmond Petit de Beauverger (1832-1833), Heurtaux et Bellinger (Douai, musée de la Chartreuse). Ils étaient tous de la même dimension, inscrits dans un ovale ou dans un rectangle mais dans un cadre standard dont le tableau du musée Delacroix donne un exemple complet.

Un modèle engagé

Auguste-Richard de La Hautière a 15 ans en 1828 quand il reçoit le second prix de version latine au Concours général doublé par un accessit en thème latin. Le jeune homme poursuivit ensuite ses études en droit et prêta serment comme avocat au barreau de Paris en 1835.

Mué par des idées progressistes dans la mouvance des Saint-Simoniens, il s’engagea, sous le nom de Richard Lahautière, dans des activités de journaliste dans le cadre desquelles il développa ses théories communistes. Cette dernière activité lui valut quelques poursuites et l’obligea en 1842 à se retirer dans le Loir-et-Cher où il ouvrit un cabinet d’avocat.

Les événements de 1848 ne le laissèrent pas insensible et Richard de la Hautière revint à Paris, mais ses tentatives se soldèrent par un échec et il ne fut pas élu aux élections législatives. De retour dans le Loir-et-Cher, il retrouve ses activités d’avocat, achète une étude d’avoué avant de finir sa carrière au barreau de Blois. Renonçant définitivement à toute activité politique, il se consacre alors parallèlement à des travaux littéraires.

Bibliographie

  • André Joubin, Correspondance Générale d’Eugène Delacroix, tome 1, Paris, Plon, 1936
  • Paul Couvrat, « Petite biographie d’Auguste-Richard de La Hautière, peint par Delacroix en 1828 », Bulletin de la Société des Amis du musée Eugène-Delacroix, n°6, 2008.