William Shakespeare fut une source d’inspiration constante pour Eugène Delacroix. Les pièces du dramaturge anglais lui soufflèrent de nombreuses œuvres. C’est ici la première estampe de l’artiste dédiée à un thème littéraire.

Un drame écossais

Delacroix choisit d’illustrer la première scène de l’acte IV, le moment où Macbeth, qui a usurpé le trône d’Ecosse, consulte les sorcières en train de préparer potions et incantations sur son avenir. C’est la scène fantasmagorique par excellence qui oppose personnage réel et monde irréel. Macbeth, bien campé, vu de face vêtu d’un kilt, regarde le spectateur, peut-être en quête d’assentiment. Les trois sorcières, les « trois sœurs folles » selon Shakespeare, vues de dos ou de profil, semblent se fondre dans un nuage de fumée. Elles pointent vers le roi usurpateur un doigt accusateur.

La force d’un traitement singulier

Dans les années 1820, la lithographie est alors une technique d’estampe récente. Eugène Delacroix y voit, comme avant lui les peintres Antoine Jean Gros (1771-1835) et Théodore Géricault (1791-1824), la possibilité d’un art original et populaire. L’artiste pouvait dessiner directement, sans l’entremise du graveur. La lithographie offrait l’opportunité de développer des effets nouveaux, sabrant le dessin d’accents vigoureux et sauvages, jouant sur la force des contrastes. Delacroix se révèle un lithographe de génie, inspirant à son tour ses cadets, d’Henri Fantin-Latour à Pablo Picasso.

La composition de grande taille est une prouesse technique. Pour obtenir ses effets de lumières si mystérieux, ce clair-obscur si particulier, l’artiste a abondamment joué sur les effets de grattoir permettant par l’enlèvement de matière un rendu particulier. La seule source lumineuse est le feu sous le chaudron ; la potion qui y bout paraît incandescente.

Bibliographie sélective

  • Susan Strauber, Eugène Delacroix. The Graphic Work. A Catalogue Raisonné, San Francisco, Alan Wofsy Fine Arts, 1997.
  • Catalogue de l’exposition Delacroix, le trait romantique, Paris, Bibliothèque nationale de France, 6 avril-12 juillet 1998.
  • Shakespeare Romantique, sous la direction de Dominique de Font-Réaulx, Saint-Omer, Musée de Saint Omer, Hôtel Sandelin, 2017.