Le musée Delacroix convie son public à la conférence « Grandeur nature. Delacroix et la mesure de l’homme », par Julien Zanetta.

Le 5 août 1854, Eugène Delacroix consigne dans les pages de son journal une expérience d’émerveillement : « L’homme, a-t-on dit, est un petit monde. Non seulement il est dans son unité un tout complet, avec un ensemble de lois conformes à celles du grand tout, mais une partie même d’un objet est une espèce d’unité complète ; ainsi une branche détachée d’un arbre présente les conditions de l’arbre tout entier. » Telle est cette épiphanie qui lui fait brusquement découvrir tout un système d’enveloppements, de croissance et de reproduction. Delacroix note l’analogie d’une plume alerte et méditative ; il la confronte à ses observations et à ses ébauches. Il remarque que certaines figures demeurent identiques quelle que soit l’échelle, car leurs proportions, les écarts entre leurs différents points, sont équivalentes. Vaguelettes, mottes de terre, plumes, branches ou fourmilières rejoignent sa rêverie et constituent autant de fragments de la nature qui se révèlent à mesure qu’il les observe de véritables énigmes. Mais il continue de s’interroger sur l’existence d’un principe général qui les unirait : « Pourquoi ici cette force inconnue s’applique-t-elle à répéter sur le sable de la mer, cette forme qu’elle dessine sur le dos des tigres ? Pourquoi ici des rapports si frappants ; pourquoi ailleurs tant de différence entre des objets qu’elle a rapprochés par d’autres points ? »

Julien Zanetta est professeur associé (Professore associato) à l’université Ca’ Foscari de Venise. Ses travaux portent principalement sur Charles Baudelaire, dont il a édité le Salon de 1846 dans les nouvelles Œuvres complètes de la Pléiade, la critique d’art au XIXe siècle, les rapports entre littérature et peinture et l’œuvre de Jean Starobinski. Il est l’auteur de cinq ouvrages – Baudelaire, la mémoire et les arts (Classiques Garnier, 2019) ; D’après nature. Biographies d’artistes au XIXe siècle (Éditions Hermann, 2019) ; Niveurmôrre. Versions françaises du Corbeau au XIXe siècle (Droz, 2020) ; L’Hôpital de la peinture. Baudelaire, la critique d’art et son lexique (Rue d’Ulm, 2022) ; À proportion. Eugène Delacroix et la mesure de l’homme (Bord de l’eau, 2023) – ainsi que d’une traduction d’essais de William Hazlitt (Sentiment et raison, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne).