Etude d’homme nu, dit aussi Le Polonais est une académie, un exercice auquel les jeunes artistes peintres se soumettent durant le XIXème siècle pour apprendre à dessiner le corps nu. Le modèle, connu sous le nom Le Polonais, a également posé pour les peintres Antoine-jean Gros (1771 – 1835) et Théodore Géricault (1791 – 1824). Delacroix réalisa cette vigoureuse étude alors qu’il étudiait dans l’atelier de son maître Pierre-Narcisse Guérin (1774 – 1833).

L’étude de modèle d’homme nu, un passage fondamental dans l’éducation artistique d’un peintre.

L’étude d’après le modèle nu – surtout masculin, est l’un des éléments fondamentaux de l’enseignement académique à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Par exemple, pour le Grand Prix de Rome, la seconde épreuve consiste à peindre une figure nue, considérée comme l’ultime raffinement de la grande peinture.

C’est ainsi que Delacroix, entré en 1815 dans l’atelier de Guérin, puis admis à l’Ecole des Beaux-Arts l’année suivante, s’exerce dans les salles du Louvre comme en témoignent ses petits cahiers de jeunesse et sa correspondance, qui évoque dès 1816 sa présence au Louvre, où il s’applique à copier les œuvres antiques. Il travaille en outre d’après le modèle vivant, comme en témoigne cette académie dite Le Polonais. Cet homme était apparemment déjà connu de plusieurs autres artistes comme Guérin, mais également Géricault ou encore le Baron Gros. Au verso du folio 105 d’un bel album de dessin de Théodore Géricault conservé au Louvre, sont inscrits les nom et adresse du modèle : Polonais, rue Dauphine, n°56 .

L’Antique, source nécessaire d’inspiration, et volonté de dépassement.

Delacroix n’a jamais nié son admiration profonde pour cet art Antique […] toujours égal, serein, complet dans les détails, et l’ensemble irréprochable. (Journal, 23 février 1858). Il l’imite et s’en inspire beaucoup, mais sans jamais en être esclave, comme il l’écrit en 1860 :

non pas que je ne trouve l’Antique aussi parfait : mais en le comparant aux modernes, notamment dans les médailles de la Renaissance, dans les ouvrages de Michel-Ange, du Corrège, etc., je trouve dans ces derniers un charme particulier que je n’ose pas dire qui soit dû à leurs incorrections, mais à une sorte de piquant indéfinissable qu’on ne trouve pas dans l’antique, lequel vous donne une admiration plus tranquille.

Dans cette vigoureuse Académie de l’homme, Delacroix vient confirmer ses écrits et son intuition. Avec ce corps à l’arrêt dans une pose théâtrale et convenue, Delacroix met l’accent sur l’expression charnelle et virile de son modèle, s’éloigne des conventions abstraites du beau idéal néoclassique, mais aussi de la perfection et de la sérénité des académies antiques. L’essentiel pour le peintre réside dans le rendu des muscles et de la chair, plus que dans la rigueur de la représentation de l’anatomie.

Si les carnations sont rendues vibrantes par des jeux de couleurs mélangées (brun, rose, vert…) ajoutant à la tension du geste, il semble que la main soit un peu trop importante, ainsi que l’allongement du torse et de la jambe gauche, dû à l’appui antérieur sur une jambe droite un peu raccourcie.

Si l’admiration que portait Delacroix à Géricault en fait une inspiration majeure, c’est surtout à Michel-Ange qu’il faut se référer. Delacroix voyait en ce génie la manifestation la plus parfaite de l’expressivité, de la grandeur et de la force, qui permit à Delacroix de s’ouvrir à la modernité.

Bibliographie

  • D. de Font-Réaulx (dir.), Delacroix et l’antique, catalogue d’exposition, (musée national Eugène-Delacroix, 2015-2016), Paris, Editions Le Passage/Editions du Louvre, 2015
  • Théodore Géricault. Images à la vie. Images à la mort. Cat.Exp. Gand (21 février-21 mai 2014) et Franckfort-sur-le-Main (17 octobre 2013 – 26 janvier 2014)