Rencontre au musée Eugène Delacroix, le 4 juin 2014

Michel Crépu, directeur de la Revue des Deux Mondes
Jean-Michel Delacomptée, écrivain
Avec la participation des revues Prélude et OPIUM Philosophie

Le 4 juin à 18h30, le musée Delacroix accueillait une présentation et rencontre à l’occasion de la parution du numéro de mai 2014 de la Revue des deux mondes, « L’art d’être jeune ». Eugène Delacroix fut un lecteur fidèle de la revue à laquelle il était abonné ; il y publia plusieurs articles.


Compte-rendu de la présentation

Naissance et évolutions d’un mythe
La discussion, très nourrie, a commencé par une brève évocation de l’histoire du mythe de la jeunesse, de l’Antiquité jusqu’au monde contemporain. Indocile chez les Grecs, elle apparaît avec une importance nouvelle au XVIIe siècle, considérée avec tendresse sous la plume de Madame de Sévigné ou de Madame de Montespan. De la littérature épistolaire aux mémoires politiques, elle rythme, avec plus ou moins d’ampleur, l’écriture des souvenirs.
Le XIXe siècle constitue un jalon essentiel, de Rimbaud à Musset en passant par Delacroix. Avec son manuscrit Alfred, qui raconte l’histoire d’un jeune baron à l’époque médiévale, ce dernier incarne les doutes et les espoirs d’une génération qui joue un rôle majeur dans l’avènement du mythe de la jeunesse : celle du Romantisme.
La Première Guerre Mondiale a, par la suite, fait de la jeunesse une denrée rare et sacrifiée avant que, dans la deuxième moitié du siècle, Mai 68 achève de faire d’elle l’incarnation des espoirs d’une société en mutation.

Un essai de définition
Ensemble d’individus, catégorie statistique ou sentiment, la jeunesse est polysémique. Au cours du débat, le surgissement s’est imposé comme l’une de ses premières caractéristiques. Entre l’enfance et l’âge adulte, c’est par la prise – de parole ou des armes – qu’émerge l’individu. La contestation d’un ordre établi, face auquel se fait la révolte, a ainsi été posée comme un incontournable de la jeunesse qui, pendant longtemps, a incarné l’espoir d’une page blanche.
Le débat a aussi été l’occasion d’insister sur la grande diversité de la catégorie, prise à l’échelle individuelle. Le décloisonnement apparaît aujourd’hui comme un des enjeux majeurs pour une jeunesse qui, parfois, peine à prendre la parole.

La jeunesse aujourd’hui
Le monde contemporain est saturé du paradigme de la jeunesse. La créativité et le renouveau s’imposent comme les nouveaux modèles d’une société qui, pour survivre, doit revenir à une jeunesse du monde, sous peine de sombrer. Les nouvelles technologies, mais aussi les enjeux de l’écologie, ont été abordés dans cette perspective, comme les exemples d’une jeunesse désormais impérative.
Si le numéro de la Revue des Deux Mondes interroge l’art d’être jeune à travers la question des expériences singulières et de leurs nouvelles conditions de possibilité, l’enjeu d’un dépassement du mythe a occupé une place centrale au cours de la rencontre. La jeunesse, qui doit, pour s’incarner, résister à un ordre établi – à l’image de Delacroix, romantique face au néoclassicisme – est aujourd’hui laissée sans aucun monde duquel s’arracher. Les espoirs qu’elles portent restent flous. La rencontre a été, en dernier lieu, l’occasion d’un espoir : au-delà des invariants d’un mythe de la jeunesse constamment mobilisé, reste à laisser à la catégorie, en tant que groupe, sa place dans les sociétés contemporaines.

Ces débats riches et passionnés au sein de l’atelier d’Eugène Delacroix ont permis de renouer avec l’esprit attentif de l’artiste, fidèle lecteur en son temps de la Revue des deux mondes, auteur de plusieurs articles pour la publication, témoin éclairé de son temps.

Hélène Doré et Coline Zellal